Alors que les premières semaines qui ont suivi la prise du pouvoir par la junte militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya, en septembre 2021, avaient été marquées par une certaine liberté dans le travail des journalistes, ces derniers mois plusieurs professionnels de l’information ont été victimes d’actes d’intimidation. C’est le cas de Boubacar « Robbie » Barry, journaliste-reporter et enquêteur au sein de la radio Espace FM et de la chaine de télévision Espace TV, appartenant toutes au groupe Hadafo Médias.
Les ennuis de ce journaliste ont commencé à la fin du mois de janvier 2023. Après avoir enquêté sur deux sujets diffusés dans l’émission « Les Informés » sur les antennes d’Espace FM et d’Espace TV, il a été victime d’une agression en plein après-midi à Sangoyah, dans la banlieue de Conakry. Il n’a eu son salut que grâce à l’aide des personnes témoins de la scène. « Le lundi 23 janvier 2023, j’ai fini mon boulot dans les environs de 15h, j’ai emprunté un taxi à Matoto pour venir à Sangoyah et continuer le chemin de chez moi. Après le rond-point de Matoto, en arrivant à Sangoyah 2e Porte, une RAV 4, premier modèle de couleur noire, avec une plaque d’immatriculation couleur rouge, a cogné le taxi dans lequel j’étais. Notre chauffeur a garé et nous sommes descendus. Dans la RAV 4, il y avait deux personnes plus le chauffeur. Le monsieur qui était assis au siège passager avant est descendu. Il m’a demandé de lui donner mon sac, je lui ai repondu non. Il a insisté mais j’ai refusé. Celui qui était assis derrière dans la RAV 4 est venu me dire : ‘C’est toi qui parle trop à la télé, tu mets ta bouche sur n’importe quel dossier, le dossier sur lequel tu as mis ta bouche là, il faut que tu l’enlèves dedans’. J’ai demandé : ‘Tu parles de quel dossier ?’ Celui qui est venu vers moi en premier m’a alors administré un coup, puis il y a eu des altercations entre eux et nous. Les passagers qui étaient à bord du taxi avec moi se sont interposés. J’ai glissé sur un truc et je suis tombé. Entretemps, on a entendu la voix d’une sirène d’un cortège qui quittait Matoto pour Sangoyah, ils se sont précipités, m’ont lâché et sont partis », explique le journaliste.
Avant son agression, Boubacar Robbie révèle qu’il travaillait sur trois dossiers en janvier dont deux diffusés avant cet incident. Le premier concernait la station PK 43 de la Société des eaux de Guinée (SEG) qui se trouve à Bentourayah, dans la préfecture de Coyah, diffusée sur les antennes du groupe médiatique le 11 janvier dernier. Dans le sujet, le journaliste avait évoqué la mauvaise qualité de l’eau servie à la pompe par la SEG à ses clients dans la zone.
Le second sujet s’est intéressé à deux jeunes dames qui s’étaient battues quelques semaines auparavant. L’une des protagonistes – enceinte – a rendu l’âme, tout comme le bébé qu’elle portait, trois semaines après l’altercation, à cause des complications survenues. « Dès qu’on a annoncé la mort de cette jeune dame, des habitants de son quartier se sont révoltés contre celle qui s’est battue avec la victime. La mise en cause dans ce drame, prénommée Rougui, a été interpellée et déposée au commissariat de la Belle-Vue. Je suis allé donc rencontrer certains officiers de police et mener des enquêtes. J’ai appris que la famille était partie négocier pour libérer Rougui et étouffer l’affaire. Mais pour cela, la famille de l’accusée devait payer une somme d’argent. On a donc diffusé cette enquête le 17 janvier dans notre émission. Le lendemain, quand la famille est repartie au commissariat pour obtenir la libération de leur fille, le commissaire s’est rétracté pour dire qu’Espace a parlé de ce dossier, donc qu’il faut qu’il transfère la fille au niveau de la Maison centrale. Dans les deux dossiers, je sais qu’il y a des gens qui sont fâchés. Je ne saurais donc accuser ni le premier dossier ni le deuxième dans l’agression dont j’ai été victime », précise t-il.
Même si son agression est survenue en pleine journée, le journaliste confie ses agresseurs étaient dissimulés derrière des lunettes et casquettes noires. « Peut-être, seul le chauffeur, je pourrais reconnaître si je réussis à les revoir. Lui, à un moment, il avait enlevé sa casquette pour se gratter la tête. C’est comme cela que j’ai pu voir un peu plus son visage », ajoute Boubacar « Robbie » Barry.
Avec la direction générale de Hadafo Médias, il entend porter plainte contre X au niveau du commissariat central de Matoto. Mais en dépit de la brutalité de l’agression, M. Barry n’entend pas se laisser intimider. « Je garde le moral fort. Moi, je sais que dans tous les dossiers sur lesquels j’ai travaillé, je n’ai jamais diffamé quelqu’un, ni diffusé une fausse information. Ça me réconforte de savoir que ce que j’ai fait, c’est du bon boulot. J’ai toujours le moral au beau fixe, je continuerai de travailler sur les dossiers évoqués s’il y a nécessité de revenir là-dessus », conclut-il.
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