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Conakry : un policier jugé pour la mort d’un manifestant

Conakry : un policier jugé pour la mort d’un manifestant

Huit mois après la mort de Thierno Mamadou Diallo, tué « d’une balle dans la tête » au quartier Hamdallaye à Conakry, à l’occasion d’une manifestation contre la hausse du prix du carburant à la pompe, le 1er juin 2022, le procès du policier accusé d’être l’auteur du tir mortel vient de s’ouvrir à Conakry. L’adjudant-chef Moriba Camara, inculpé pour « meurtre », plaide non coupable, à l’ouverture de son jugement le 30 janvier dernier devant le Tribunal criminel de Dixinn.

Le jeune homme, âgé de 18 ans, est considéré comme la première victime des tueries après le coup d’Etat du 05 septembre 2021. Alors que la prise du pouvoir par le colonel Mamadi Doumbouya avait donné une lueur d’espoir, comparé à la période sombre de la gouvernance d’Alpha Condé marquée par des meurtres à répétition de manifestants en Guinée, particulièrement dans la commune de Ratoma à Conakry, le meurtre par balle de Thierno Mamadou Diallo avait choqué l’opinion publique, y compris le ministre de la Sécurité Bachir Diallo qui avait réagi en des termes fermes : « Le gouvernement est vraiment préoccupé dans son ensemble (…) face aux événements qui se sont passés (…) Je condamne énergiquement ces gestes (…) Le gouvernement ne s’inscrit pas du tout dans cette logique ».

Très vite, après le crime, les soupçons ont tourné vers des agents de la Brigade anticriminalité numéro 1 (BAC n°1), qui étaient en patrouille dans la zone au moment du drame. A l’époque procureur général près la Cour d’appel de Conakry, l’actuel ministre de la Justice Alphonse Charles Wright, avait ordonné l’interpellation de cinq personnes dont l’adjudant-chef Moriba Camara. Celui-ci est accusé d’être l’auteur du tir qui a été fatal à Thierno Mamadou Diallo. Le 13 juin, il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt à la Maison centrale de Conakry. Quant à ses compagnons, placés dans un premier temps sous contrôle judiciaire, ils ont finalement bénéficié d’un non-lieu. C’est donc lui seul qui fait désormais l’objet de poursuite.

A la barre, le policier a plaidé non coupable lors de sa première comparution, le 30 janvier dernier. S’il a reconnu la patrouille dans le quartier et avoir fait « des tirs de sommation », il a assuré que cela s’est fait dans un autre secteur, loin de l’endroit où le jeune Thierno Mamadou Diallo a été tué. « Moi, je n’ai pas tiré là où le jeune est décédé. J’ai entendu dire qu’il a trouvé la mort dans un cyber, mais jusque-là où je suis, je ne connais même pas les lieux. Ce n’est pas moi qui l’ai tué », a-t-il affirmé à la barre, selon un compte-rendu du journal Le Lynx.

Poursuivant, l’adjudant-chef Moriba Camara a assuré que le tir fatal a été effectué par un autre agent. Car, selon lui, une patrouille mixte (police, gendarmerie, BAC, armée de terre et armée de l’air), qui était dotée des mêmes armes et munitions, sillonnait la zone et faisait également des tirs. Une version contestée par le ministère public. « Votre véhicule était à cinq mètres du groupe de jeunes. Vous avez été envahis par la peur et la panique, vous avez décidé d’ouvrir le feu », a déclaré l’accusation, avant de lui rappeler qu’il a reconnu durant l’instruction être le seul qui a tiré à Hamdallaye où Thierno Mamadou Diallo a été touché mortellement.

Après cette première audience, l’affaire a été renvoyée au 13 février prochain, pour la suite des débats.

Aucune action contre les auteurs des autres tueries de manifestants

Si peu après le drame l’appareil judiciaire s’est mis aussitôt à l’œuvre pour identifier et poursuivre les agents qui étaient en patrouille dans la zone, la justice guinéenne est par contre restée silencieuse face aux tueries enregistrées lors des manifestations contre le pouvoir du colonel Mamadi Doumbouya, notamment celles organisées par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), mouvement dissous en août dernier par le gouvernement, justement à cause de ces manifestations qui violaient leur interdiction décrétée par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), la junte au pouvoir en Guinée depuis septembre 2021. Les seules actions entreprises par la justice guinéenne ont été à l’encontre des organisateurs, les considérant comme les seuls responsables de ces cas de morts.

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