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Conakry : des journalistes agressés alors qu’ils couvraient une manifestation contre la junte

Conakry : des journalistes agressés alors qu’ils couvraient une manifestation contre la junte

Le 16 février dernier, des d’affrontements ont éclaté entre jeunes et agents des forces de défense et de sécurité dans certains quartiers de la haute banlieue de Conakry, à l’occasion d’une nouvelle manifestation, appelée par le Front national pour la défense de la Constitution. Sortis couvrir ces incidents, des journalistes ont été agressés par des militaires déployés le long de la route Le Prince pour disperser les manifestants. Le correspondant en Guinée de la chaine TV5 Monde, Abdourahmane Bah, est l’un des journalistes agressés. Il s’est fait retirer la carte mémoire de sa caméra par des militaires encagoulés appartenant au Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA), une unité d’élite de l’armée guinéenne.

C’est sur le tronçon entre Bambéto et Cosa, dans la commune de Ratoma, que ces journalistes ont été pris à partie par les agents déployés sur le terrain contre la manifestation. Selon nos informations, une dizaine de journalistes était concernée. Alors qu’il filmait un accrochage entre des jeunes munis de cailloux et de blocs de pierre qui avaient barré la route et des gendarmes qui leur lançaient du gaz lacrymogène, des soldats sont arrivés et ont intimidés les journalistes. « Nous étions entrain de filmer cette scène. Tout d’un coup, il y a eu un pick-up du BATA qui quittait Cosa et roulant à vive allure qui est arrivé. Seulement à quelques pas de nous, il a freiné. Le bruit du freinage sur le goudron nous a tous effrayés. Quand nous nous sommes retournés, on a vu des militaires tous armés de fusils. A peine le véhicule garé, ils ont commencé à tirer en l’air avec des balles réelles. Après, ils sont venus vers nous directement, sans même saluer, ils ont commencé à insulter. Le degré de menace est passé à une vitesse supérieure parce qu’ils avaient commencé à pointer leurs armes sur nous en menaçant de nous tuer. A côté, un confrère très apeuré est tombé par terre (…) J’avais peur pour ma vie. Après, ils se sont aperçus que j’avais une caméra et ont voulu me la prendre en insinuant que je les ai filmés. J’ai nié en disant non, parce que vous êtes venu de dos et nous, nous filmons la scène qui se passe devant nous. Ils ont voulu quand même saisir ma caméra. Je m’y suis agrippée mais comme ils étaient nombreux, ils ont réussi quand même à retirer la carte mémoire de ma caméra dans laquelle était stockée toutes les images qu’on avait filmées de la journée », a-t-il expliqué lors d’un entretien avec une équipe de Nfoulen.

Peu de temps après, les journalistes présents sur le terrain pour couvrir cette nouvelle manifestation contre la junte au pouvoir en Guinée depuis septembre 2021 ont relayé l’incident dans les médias. Une large diffusion qui a fini par porter fruit. Car la carte mémoire confisquée, plus tôt, a été finalement restituée à Abdourahmane Bah le lendemain, par le canal du Syndicat de la presse professionnelle de Guinée (SPPG). Sans pour autant que les militaires qui ont agressé les journalistes ne soient identifiés, étant tous encagoulés. « L’interview que j’ai faite après mon agression a fait le buzz (…) Le militaire qui avait ma carte mémoire m’a appelé à 16h – j’avais laissé mon numéro de téléphone avec eux. Il s’est présenté en me demandant de venir récupérer ma carte mémoire, selon lui son chef l’avait appelé pour dire que je raconte du n’importe quoi dans les médias. Je lui ai dit que je ne pouvais, car je ne savais pas si c’est un piège. Je lui ai dit que j’ai informé le SPPG qui viendra la récupérer. Et des membres du syndicat sont allés, effectivement, entre 17h et 18h récupérer ma carte pour me la rendre le vendredi matin », a précisé le correspondant de TV5 Monde en Guinée.

Ce cas n’est pas isolé. En effet, lors des manifestations sociopolitiques enregistrées régulièrement en Guinée, les journalistes sont souvent ciblées tant par les agents déployés pour essayer de ramener l’ordre que par les manifestants. D’ailleurs, M. Bah appelle les autorités à assurer la sécurité des journalistes  sur le terrain. « Le journaliste qui va sur le terrain, il fait son travail. Il n’est ni pour les manifestants, ni contre les militaires qui viennent. Il vient constater les faits et les rapporter de façon la plus honnête. Je pense que les autorités doivent intégrer ça, le faire savoir aux gendarmes, à tous les corps habillés qui viennent dans le maintien d’ordre. Il faut poursuivre les efforts de sensibilisation au niveau des militaires pour qu’ils protègent les journalistes », a-t-il recommandé.

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